L’arbre agroforestier, ses fonctionnalités

Le fourrage

Utiliser l’arbre comme source alternative et complémentaire d’affouragement du bétail est une pratique ancestrale, dont les premières traces remonteraient au néolithique (1). D’autres fouilles archéologiques couplées aux études de gravures et peintures illustrent également ces pratiques, tout au long de notre histoire, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Les pratiques en question sont diverses ; elles consistent globalement à tailler régulièrement des arbres pour en donner les branches et feuilles aux animaux. Elles participent ainsi à la création de trognes et émondes (2).

Intérêts
Inconvénients
Pratique ancestrale
1
Comment peut-on savoir que les Humains du néolithique avaient des pratiques agroforestières ? Par une analyse particulière -l’anthracologie- qui étudie les bois carbonisés. Grâce à une étude menée dans des grottes du sud de la France, on a pu retrouver des charbon de bois qui montraient que les arbres étaient entretenus en émonde et donc à des fins d’affouragement de troupeaux.
Trognes et émondés
2

Les trognes et émondes correspondent à une taille d’entretien des arbres et non à une essence d’arbre. La trogne, aussi régulièrement appelée « arbre têtard » consiste à couper régulièrement le houppier de l’arbre que l’on a volontairement gardé bas. Le fait de le garder bas permet à l’agriculteur.trice de pouvoir couper les branches plus facilement. A force de tailler, l’arbre crée une boule (un amas de tissu cicatriciels) qui lui donne une forme de « têtard ».

La taille en émonde, à la différence du têtard, ne concentre pas les branches en hauteur : les branches se récoltent sur l’intégralité du tronc et du houppier et sur une hauteur plus importante.

Il faut suivre des techniques précises pour conduire un arbre en têtard ou en émonde dès son plus jeune âge. Quand elles sont bien régulières et adaptées au contexte, ces conduites d’arbres permettent, entre autres, une plus forte production et une plus grande longévité de l’arbre.

Prairie sèche​
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Dans un contexte d’été de plus en plus chaud et sec, l’arbre fourrager devient un relais de nourriture intéressant pour les périodes où les prairies ne peuvent plus assurer l’affouragement du troupeau. C’est une logique que l’on retrouve dans des pratiques ancestrales de sylvopastoralisme : le troupeau est conduit dans des milieux de plus en plus forestiers et « fermés » au cours de la saison pour y trouver de la fraîcheur et de la ressource fourragère ligneuse.
Planter des arbres dans une prairie pose également la question de la densité : lorsque les arbres sont trop denses, la production de la prairie chute de façon importante. Le projet PARASOL s’est penché sur la question de la « bonne densité » pour que l’arbre soit un élément de diversification de fourrage, d’ombrage, sans trop impacter la production de la prairie. Des résultats forts s’en dégagent :

  • A 60 arbres/ha, la production de la prairie baisse légèrement alors qu’à 140 arbre/ha, elle baisse très fortement. Il est important de ne pas prendre ces résultats comme des recettes, mais comme des guides de réflexion : le contexte pédoclimatique, le choix des essences etc… sont déterminants dans ce qu’est “la bonne densité”.
  • La présence de l’arbre (ombre, baisse de la température…) crée un décalage phénologique qui permet d’étaler, à l’échelle de la ferme, les périodes de production de différentes prairies.
Recherche sur le comportement animal en système agroforestier
Valeur nutritive
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l’Inrae de Lusignan a étudié la valeur nutritive de 31 espèces d’arbres et arbustes issues de plusieurs régions de France. La recherche a pu confirmer l’intérêt de certaines espèces ligneuses, traditionnellement utilisées pour le fourrage, sur le plan de la digestibilité et de la teneur en protéine.
Santé
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Dans une logique d’ « alicament » où l’animal se soigne à travers sa ressource alimentaire, la diversification issue de l’agroforesterie a le potentiel d’augmenter la santé globale du troupeau. Certaines essences d’arbres sont capables d’accumuler des minéraux (par exemple, le néflier et la bourdaine pour le phosphore, le cornouiller sanguin et le tilleul pour le calcium). D’autres ont été mis en valeur pour leur concentration en tanin (robinier, vigne) dont la propriété vermifuge à été démontrée. L’arbre est donc un complément alimentaire intéressant dans la gestion holistique de la santé du troupeau.

Espèces fourragères
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Il existe plusieurs dizaines de plantes comestibles. Attention cependant à la notion de comestibilité : une essence peut être attractive pour le troupeau à un seul moment de l’année, ou dans des quantités variables et dont la surconsommation peut apporter des troubles. La digestibilité est également variable entre espèces et même au sein des espèces selon la rusticité de la race. Voici quelques exemples d’arbres traditionnellement utilisés pour le fourrage : le frêne, le mûrier blanc, le noyer, le châtaignier, l’aulne blanc ou encore le tilleul.

Rendement
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La croissance des arbres est lente et les arbres fourrager comme les trognes, émondes ou cépées mettent de nombreuses années à entrer en pleine production. Cela souligne l’importance de maintenir le patrimoine déjà existant, et de le compléter pour les générations futures. A titre d’exemple, les arbres du « trognoscope » de Lusignan produisent entre 0.130 et 0.400kg de matière sèche par individu. Une trogne en pleine production comme du frêne conduit en émonde peut produire autours de 40kg de matière sèche/an.

Entretien
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Il est difficile d’estimer le temps de travail que représente la coupe de branches pour l’affouragement du troupeau. Il est facteur de nombreux paramètres comme le matériel utilisé, le type de taille, la distance entre l’arbre et le troupeau, l’accessibilité de l’arbre etc… Pour un entretien durable des arbres, cette pratique demande un geste précis qui n’est pas mécanisable comme l’est la récolte de foin. Le rendement matière sèche fourragère/ heure de travail est donc nettement inférieur qu’une prairie mécanisée. De plus, l’arbre doit être positionné avec précision au sein de la prairie pour éviter qu’il ne soit trop gênant au déplacement des machines (si l’agriculteur.trice garde l’option de faire du foin sur la parcelle). Pour plus d’information, se référer au kakémono « principe de taille de formation et entretien ».

Les productions

L’arbre fournit de nombreux produits. Des produits directs (1), l’élément consommé fait partie intégrante de l’arbre, par exemple les fruits. Et des produits indirects (2), comme le miel ou les champignons. Sans arbres, ces produits indirects n’existeraient pas.
L’arbre fournit de nombreux produits que l’homme et les êtres vivants utilisent pour s’alimenter (fruits, feuillages,…) mais également se soigner(3).

Produits directs
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Les plus connus sont les fruits. ll existe des fruits comestibles par l’homme comme les pommes, les poires, les prunes, les cerises, les nectarines ou les abricots. Les fruits secs comme les noix, les noisettes, les amandes ou les châtaignes en font également partie. Même les fruits non comestibles pour nous sont intéressants. En effet, les glands, les cormes, les alises et autres baies sont vivement appréciés de la faune sauvage.

L’Occitanie est la 2e région productrice de fruits. Elle représente 20% du verger français et se réparti dans quatre zones principales de production : le Tarn-et-Garonne pour la pomme, le kiwi, la prune, le raisin de table et la noisette, le Gard et les Pyrénées-Orientales pour les fruits à noyaux, ainsi que le Lot pour la noix. Elle réunit une grande diversité de production qui compte également la poire, l’abricot, l’olive et la châtaigne.

En dehors du fruit, l’arbre est source de nombreuses productions “directes”. On retrouve la production de bois d’œuvre, tel que le bois de châtaignier réputé “imputrescible”. De nombreux bois nobles pour de l’ébénisterie comme le merisier, le noyer, le chêne… Le bois pour le chauffage est également une production majeure de l’arbre: la baisse de son utilisation avec l’arrivée de nouveau moyen de chauffage à accentuer le reboisement de l’Occitanie.

Produits indirects
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L’arbre est un élément indispensable à de nombreuses associations fructueuses. Les champignons sont le fruit d’une association entre mycélium, mycorhizes et les racines des arbres. Les cèpes, les girolles ou encore les truffes sont très appréciés pour leurs qualités gustatives.

Le miel est également une production indirecte de l’arbre. Associés en haie champêtre diversifiée, les arbres produisent nectar et pollen pour les pollinisateurs. Certaines essences comme le peuplier et le hêtre, sont les principales sources de résines pour la fabrication du propolis indispensable à la santé de la ruche.

La médecine
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D’autres parties de l’arbre sont fréquemment utilisées car comestibles ou ayant des propriétés médicinales.

L’écorce peut être utilisée sous forme d’épices comme la cannelle. L’écorce de Saule, de Chêne, de Bouleau ou encore de Tilleul est utilisée en décoction en médecine.
La sève est extraite des arbres pour ses qualités gustatives et médicinales (sirop d’érable ou de bouleau).

Les feuilles, les fleurs, les racines et les bourgeons sont également consommées par l’homme mais aussi par les animaux. Ils sont un complément très intéressant au fourrage et les fleurs représentent une ressource indispensable aux insectes butineurs.

La biodiversité

L’arbre est une ressource majeure dans la gestion de la biodiversité de nos écosystèmes. Il influe la biodiversité de plusieurs manières : en créant de nouveaux habitats et en influençant les conditions du milieu. Voici quelques traits d’arbres, sur lesquels nous allons jouer en agroforesterie, pour maximiser la biodiversité sur une ferme :

  • Proposer des types de feuillages différents (1)
  • Proposer des sources de fruit, nectar et pollen diversifiées (2)
  • Créer du relief pour que les animaux chassent, se repèrent et se déplacent (3)
  • Créer des refuges pour les nidifications (4)

Il est aussi important de noter que nous avons plus de questions que de réponses sur le sujet de la biodiversité et de l’agroforesterie ! Les systèmes sont complexes et les habitants y sont nombreux avec une multitude de liens qui les unissent et qui rendent leur comportement, somme toute, difficile à prévoir avec précision.

Les feuillages
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Il existe deux grands types de feuillage chez les arbres : les feuillages caduques (les feuilles tombent à l’automne) et les persistants (l’arbre garde ses feuilles en hiver). Les grands représentants des persistants sont les conifères, qui font des aiguilles. Cependant en agroforesterie nous plantons que très rarement des conifères car ils tendent à être trop compétitifs avec les cultures environnantes. Il y a d’autres arbres qui ne sont pas des conifères et qui sont persistants, comme les chênes verts, les lauriers nobles, les nerpruns alaternes… Ces arbres permettent de créer des zones de protection en hiver/début printemps qui sont régulièrement prospectées par les passereaux.

Crédit : Eric Cadanas, Ornitomedia.
Une autres caractéristique de feuillage à laquelle nous prêtons attention est la pilosité. Certaines arthropodes sont favorisées par la présence de poils sur le feuillage. Par exemple, certains acariens prédateurs sont favorisés par le cormier en contexte de vigne. Est-ce que les poils permettent de faciliter la ponte ? de capturer des pollens pour les acariens omnivores ?
Alimentation diversifiée
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Les populations d’un milieu sont fortement impactées par « le gîte et le couvert » que propose le milieu. Ici, nous faisons un zoom sur le « couvert ». Les leviers majeurs que nous actionnons dans les projets sont la diversification des sources de pollen/nectar/propolis et la ressource en fruits/baies.

En ce qui concerne donc les fleurs (pollen etc…), il est important de connaitre à la fois la période de floraison et la capacité de la plante à produire du nectar en quantité. Avec ces deux informations, nous pouvons planter des arbres et arbustes qui fleurissent tout au long de l’année et en quantité intéressante pour les arthropodes qui s’en nourrissent. Par exemple, le prunier est une excellente source de nectar de début de printemps et le lierre une très bonne source de nectar d’automne.

Cet étalement de la floraison à travers la plantation de plusieurs espèces est important, notamment car de nombreuses espèces de biocontrôle (c’est-à-dire des espèces qui régulent les bioagresseurs) ont un stade carnivore en tant que larve et un stade nectarifère en tant qu’adulte. C’est le côté carnivore qui nous intéresse à l’état larvaire, mais pour que la population s’installe durablement, il faut que l’adulte puisse se nourrir aussi. C’est le cas par exemple du syrphe.

Syrphe adulte en train de consommer du nectar et larve de syrphe dévorant un puceron.

Il est important de noter que la production de nectar est dépendante de la sécheresse : c’est-à-dire que s’il fait trop sec, le nectar de la fleur est beaucoup plus dure, voir impossible à extraire.
De même que le nectar et le pollen, on cherche régulièrement à étaler et diversifier la production de fruits et de baies. De nombreuses espèces présentent dans les haies font des baies comestibles par les oiseaux, comme les cornouillers, les fusains, les troènes… et nombre d’entre elles ne sont pas comestibles par les humains ! Elles représentent une diversification essentielle pour les passereaux omnivores qui sont un atout majeur pour le contrôle des bio-agresseurs.

 
 

 

 

Un relief pour les oiseaux
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L’arbre peut être une zone de refuge… comme une zone de prédation. En effet la faune peut se réfugier dans du buissonnant bas et épineux comme du prunelier tandis que les oiseaux de proie ont besoin de se percher en hauteur pour une meilleure prédation. Les hauteurs de perche optimales varient selon les espèces d’oiseaux de proie, nous plantons donc des essences dont la hauteur finale n’est pas la même.

Les oiseaux de proie sont un atout essentiel pour des ravageurs de culture comme les campagnols. A titre d’exemple, la Ligue pour la Protection des Oiseaux indique qu’un faucon crécerelle est capable de consommer autours de 1500 campagnols/an.

Crédit : David Kalosson - consoglobe.com

L’arbre est aussi un repère de déplacement pour les oiseaux. Le comportement de vol des chauves-souris en particulier a été étudié. On s’aperçoit que certaines espèces comme les pipistrelles ou les sératines on besoin des arbres pour se déplacer : elles longent des alignements d’arbres, avant de plonger dans les champs où elles chassent leur proie.

Nous supposons que l’arbre est à la fois un repère dans l’espace pour ces espèces et un refuge rapide en cas de présence d’un prédateur comme la chouette hulotte.

Nidification
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De nombreux passereaux insectivores, pics et chauves-souris ont un comportement cavernicole durant leur reproduction. C’est-à-dire qu’ils nichent dans un lieu abrité.

Il est donc très important de proposer de tels habitats pour ces populations. Ces habitats peuvent être naturellement présents dans l’arbre sous forme de cavités (arbre vivant ou mort) ou peuvent être aménagés sur l’arbre de façon artificielle à travers des nichoirs. Les dimensions et positionnements des nichoirs sont importants car spécifiques à certaines espèces. La LPO propose de nombreux aménagements à construire pour favoriser les nichées de différentes espèces. A titre d’exemple, une couvée de mésanges charbonnières consomme entre 6 et 9 000 chenilles.

Le micro-climat

Le pilotage du micro-climat à travers l’arbre est un enjeu majeur des systèmes agroforestiers. Le micro-climat désigne des conditions climatiques (température, humidité, vent…) limitées à une très petite surface autour de l’arbre, qui se distinguent des conditions climatiques générales.

La présence d’un arbre a un impact sur:

  • L’accès à la lumière (1)
  • La température (2)
  • L’humidité de l’air (3)
  • Le vent (3)
La lumière
1
Le houppier de l’arbre crée une zone d’ombre qui ressemble à ceci:

On y repère une zone d’ombre au Nord, à l’Est et à l’Ouest. Celle du Nord est permanente et plus ou moins couvrante en fonction du moment de l’année: c’est en été qu’elle est la moins couvrante. L’ombre à l’Est correspond au coucher du soleil à l’Ouest et l’ombre à l’Ouest correspond au lever du soleil à l’Est. La densité de cette ombre a un fort impact sur les cultures qu’elle touche. Plus le houppier est dense, plus l’ombre est dense et plus la culture sous l’arbre risque de manquer de lumière.

A titre d’exemple, dans le projet Arbratatouille, des tomates que l’on a fait pousser autour de 70% d’ombrage ont eu un rendement trop faible pour que ce soit rentable pour l’agriculteur. A l’inverse, des tomates que l’on a fait pousser autour de 40% d’ombrage ont pu bénéficier de cette ombre (moins de coups de soleil et bon rendement) sans pour autant manquer de lumière.

Projet Arbratatouille : Tomates sous des têtards de noyer hybrides.
Température
2

Accrochez-vous bien: il fait plus frais sous les arbres!

Jusque là, le constat n’est pas transcendant… et pourtant c’est en cela que l’arbre est une des solutions très prometteuses pour adapter nos fermes au changement climatique.

Les écarts de température entre le dessous du houppier et le plein soleil peuvent avoisiner les 10°C en été. Cela est dû à plusieurs processus dont le réfléchissement des rayons de soleil par les feuilles, l’ombre portée ainsi que l’évapotranspiration. L’évapotranspiration est le fait que l’arbre transpire et que l’eau s’évapore. En s’évaporant sous l’action du soleil, l’eau devient un gaz et du froid se crée, à la manière d’une climatisation, apportant ainsi de la fraîcheur.

Cette fraîcheur (surtout liée à l’ombrage) devient de plus en plus primordiale pour protéger les cultures des épisodes de canicules estivales.

L’arbre a donc la capacité de rafraîchir son milieu en journée.

A l’inverse, il garde de la chaleur la nuit.

En effet, la nuit, le sol rejette de la chaleur et l’arbre retient cette chaleur avec son houppier. L’arbre a donc globalement un effet de modérateur sur les pics de température.

Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la manière optimale de planter des arbres au sein des cultures pour essayer de garder une température estivale convenable.

Les différents effets microclimatiques sont imbriqués: c’est-à-dire qu’en essayant de baisser la température, on crée aussi de l’ombre et comme nous l’avons vu précédemment, cela peut être préjudiciable pour les rendements.

L'humidité de l'air et le vent
3

En général, l’arbre rend l’air plus humide. Cela est dû à deux facteurs: l’ombrage et l’effet brise vent.

L’ombrage protège l’humidité, sous forme de micro gouttelettes dans l’air, des rayonnements du soleil et limite ainsi son évaporation.

Pour l’effet brise vent, l’arbre agit comme une barrière physique au vent. Les mouvements d’air sont donc diminués et l’air chargé en humidité (effet rosée, évapotranspiration des plantes) est moins brassé avec l’air sec environnant.

Le sol

Quand la feuille tombe au sol, elle subit un processus complexe de décomposition. Ce processus dépend des conditions du milieu (température, humidité) et des organismes présents au-dessus et dans le sol.

Parmi ces organismes, on note des macro-organismes comme les vers de terre, d’autres plus petits comme les collemboles et d’autres carrément invisibles à l’œil nu comme les bactéries et les champignons.
La feuille se fait simultanément découper, déchiqueter et digérer par de nombreux organismes dont les besoins en nourriture varient et donc le rôle dans la décomposition de la feuille varie. Par exemple, un collembole se nourrit directement du végétal mort, créant des trous dans la feuille qui permettent l’entrée d’autres organismes plus petits comme les champignons et les bactéries. Ces deux derniers (parmi d’autres) entament un processus dit de “minéralisation”.

C’est-à-dire qu’ils se nourrissent de matières organiques de la feuille et produisent, sous forme de déjections, des sels minéraux.

Les sels minéraux sont un déchet qui n’en est pas vraiment un car il peut ensuite être récupéré par les plantes, à travers des formes que l’on connaît bien dans les engrais du commerce comme les nitrates, potasse ou phosphate (le fameux N,P,K, et bien d’autres encore).

Les bactéries ont tendance à décomposer des éléments “tendres” de la feuille alors que les champignons des éléments plus coriaces et fibreuses.

La nature tendre ou coriace de la feuille va influencer la minéralisation : un matériel tendre est minéralisé plus vite et plus entièrement qu’un matériel coriace.

A titre d’exemple une jeune feuille de tilleul se décompose plus facilement qu’une feuille de chêne vert. Un matériel coriace va entraîner une digestion qui n’est que partielle et ainsi créer des déjections qui ne se sont pas entièrement transformées en sels minéraux: il s’agit de l’humus.

Il existe beaucoup de formes d’humus et son processus de fabrication peut être divers et n’est pas entièrement compris.

Cependant on lui connaît quelques propriétés fondamentales dans le sol :

  • Il permet de retenir les nutriments du sol (rôle de garde-manger)
  • Il permet de retenir l’eau (effet éponge)
  • Il permet d’aérer le sol. Cela à de nombreuses conséquences comme une meilleure pénétration de l’eau, des racines ou encore permettre aux bactéries et champignons de respirer.

L’humus a donc un rôle majeur sur la santé globale du sol.
Le devenir de la feuille qui tombe au sol est assez complexe et comprend l’action de nombreux organismes. On peut retenir qu’elle permet d’apporter de la fertilité à court terme via sa transformation en sel minéraux et de la fertilité à long terme via sa décomposition en humus. En d’autres termes, elle a une qualité de “fertilisant” et une qualité de “fumure de fond”. L’humus, de par sa structure en carbone, permet également de stocker du carbone dans les sols.

Un processus similaire est plus difficilement perceptible : celui de la décomposition des racines (surtout les racines fines). Il existe au même titre que les feuilles un cycle de création de nouvelles racines et de mort de ces dernières. Cela crée à nouveau de la matière organique qui répond au même processus de décomposition que la feuille.

Côté science

Est-ce que la présence des arbres favorise la faune du sol/décomposeurs?

Le projet Vitiforest illustre la capacité des arbres à améliorer la qualité des sols à travers la présence de vers de terres.

Le dispositif est le suivant:

Et voici, en figure 13, les résultats : (anéciques tête rouge et endogés sont des types de vers de terres)

Pourquoi il y a plus des vers de terre sur le rang d’arbre que dans le témoin de vigne?

Cela s’explique par plusieurs facteurs :

  • Le Milieu: sur le rang des arbres, il y a un apport plus grand de matières organiques à travers les feuilles et la décomposition des racines en plus de la présence d’herbes.
  • Le microclimat: conditions (ombre et humidité) qu’offre l’arbre, plus propice au développement des vers.
  • Les pratiques agricoles: il y a également l’absence de travail de sol sur les rangs d’arbres que favorise l’abondance des êtres vivants

L'eau

Le cycle de l’eau est fortement impacté par l’arbre à l’échelle du territoire comme à l’échelle de l’arbre en tant qu’individu.

Nous soulignons ici les interactions à petite échelle.

L’infiltration de l’eau
1

Un arbre va influencer l’infiltration de l’eau dans les sols de plusieurs manières. La manière la plus évidente et peut-être la plus importante est l’infiltration de l’eau grâce aux racines. En effet, l’eau va suivre les racines pour s’infiltrer en profondeur dans le sol.

Cela a pour effet direct de limiter que l’eau stagne en surface et crée de l’érosion des sols. Nous creusons ce point dans le Kakémono “Rôle et fonction de la haie”.

Cette infiltration profonde permet de créer une “réserve utile” plus importante pour les plantes, voire de faciliter le remplissage des nappes souterraines.

De façon plus indirecte, de par son impact sur le sol et la création de matière organique, l’arbre crée (avec la faune des sols) un sol plus aéré et spongieux.

Les différentes tailles de cavités ainsi formées permettent à la fois de mieux retenir l’eau et à la fois de mieux l’infiltrer. Par exemple, la galerie d’un ver de terre (qui représente une cavité large) facilite la pénétration de l’eau dans le sol. A l’inverse, la décomposition d’une racine fine (presque invisible à l’œil nu), va créer de toutes petites cavités que l’on appelle microporosité. Ces toutes petites cavités ont un effet d’aimant sur l’eau qui permet de la retenir : il s’agit du même effet que vous observez sur le bord d’un verre ou l’eau semble “remonter” sur les bords. Cela permet à nouveau d’augmenter la réserve utile du sol, cette fois non pas en permettant à l’eau d’aller plus profondément dans le sol, mais en “capturant” plus d’eau dans un même volume de sol.

Finalement, l’impact d’une pluie forte sur un sol peut être problématique. En effet, l’impact des gouttes peut détruire la structure du sol en surface et de ce fait réduire sa capacité à absorber l’eau. La feuille de l’arbre (son houppier) réduit fortement l’impact de la pluie et permet donc une entrée plus douce et efficace de l’eau.

La compétition pour l’eau entre les arbres et la culture
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De par son évapotranspiration, l’arbre rejette beaucoup d’eau dans son environnement sous forme gazeuse (on parle de dizaines à des centaines de litres pour des gros arbres !).

Cette eau est pompée depuis les racines et cela crée au final de la tension sur la ressource en eau du sol.

Ainsi, les cultures environnantes peuvent souffrir de manque d’eau à cause de la consommation de l’arbre. La baisse de production dans un périmètre proche de l’arbre est une observation récurrente. Il n’est cependant pas facile de déterminer si cette perte est liée à l’ombre de l’arbre, à la compétition pour les nutriments ou encore, à la compétition pour l’eau.

A l’inverse, on attribue à l’arbre une capacité de faire remonter l’eau depuis les profondeurs du sol vers ses racines de surface. Les cultures avoisinant l’arbre pourraient en théorie profiter de cette remontée d’eau. C’est ce qu’on appelle “l’ascenseur hydrique de l’arbre”. Ce phénomène est à appréhender avec précaution : il n’est que très peu étudié.

L’idée que l’arbre puisse restituer des volumes significatifs d’eau aux cultures voisines est donc toujours en attente de validation.

Le cernage racinaire
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Le cernage racinaire désigne le fait que les racines d’un arbre peuvent être encouragées à plonger dans le sol par la présence des racines d’une culture en surface.

Sur l’image suivante par exemple, le blé au printemps va rapidement assécher la partie supérieure du sol et en occupant physiquement l’espace. La réponse des racines de l’arbre est qu’elles vont descendre sous les racines de blé, là où elles rencontreront moins de compétition pour l’eau et les nutriments. Elles sont donc “cernées” par les racines de blé.

Ce phénomène observé en système agroforestier permet d’expliquer en partie comment un système agroforestier (arbres et cultures ensemble) peut être plus productif qu’un système forestier et un système de culture séparés… car l’exploration du sol est meilleure en système agroforestier.

Un dernier détail qui n’est pas des moins intéressants ; le fait que les racines de l’arbre passent sous la culture permet de crée un “filet de récupération”. Ce filet est particulièrement intéressant pour récupérer des nitrates qui ne sont pas absorbés par la culture et qui risquent de polluer les eaux.

L’arbre, l’eau et les champignons
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Toujours dans une logique d’explorer les ressources du sol de la manière la plus efficace possible, l’arbre (et de nombreuses autres plantes) a développé des partenariats avec d’autres organismes vivants.

Un partenariat qui intéresse particulièrement le monde de l’agronomie est celui de l’arbre avec un type de champignon : les mycorhizes.

La relation qu’ils entretiennent est “symbiotique mutualiste”, c’est-à-dire qu’ils profitent tous les deux de leur association. Ce bénéfice mutuel fonctionne ainsi : le champignon se greffe à la racine de l’arbre (en formant une gaine autour, voire en entrant à l’intérieur des racines) et profite des sucres fabriqués lors de la photosynthèse. En contrepartie, le champignon fait office d’une nouvelle racine pour l’arbre et transite de l’eau et des nutriments vers l’arbre, augmentant sa résilience à la sécheresse et à la pauvreté du milieu.

Photo ci-dessous : présence de mycorhizes autour d’une racine.

Crédit : Simon Egli - WSL
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